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Rupture de pourparlers

Quels sont les critères d’une rupture de pourparlers abusive ?

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ayant réformé le droit des contrats a consacré l’obligation générale de bonne foi posée à l’ancien article 1134, alinéa 3 du Code civil à son nouvel article 1112.

Cet article dispose que :

« L’initiative, le déroulement et la rupture des négociations précontractuelles sont libres. Ils doivent impérativement satisfaire aux exigences de la bonne foi ».

Le nouvel article 1104 du Code civil précise également que :

« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

Cette disposition est d’ordre public ».

Lorsque les pourparlers ne sont pas encadrés par un contrat de négociation, la responsabilité de l’auteur de la rupture des pourparlers est de nature délictuelle ou quasi-délictuelle .

Le critère de l’abus reste environné d’un certain flou, la Cour de cassation jugeant aujourd’hui, dans une formule ambiguë, que la faute est caractérisée dès lors que l’auteur de la rupture a « rompu brutalement et unilatéralement des négociations très engagées et (…) manqué aux règles de bonne foi dans les relations commerciales » (Cass. com., 22 avr. 1997, n° 94-18.953 : RTD civ. 1997, p. 651, obs. J. Mestre).

L’obligation de bonne foi prend naissance dès le commencement des pourparlers (Cass. 1re, civ. 31 oct. 2012, n° 11-15.529 : JurisData n° 024376 ; D. 2012, p. 2658 ; RTDC civ. 2013, p. 109 note B. Fages).

Sur l’absence de rupture abusive

Toutefois, la rupture ne peut être qualifiée d’abusive lorsque la partie ayant mis fin aux négociations n’a pas agi avec l’intention de nuire ou a toujours fait connaître à son partenaire les conditions auxquelles elle subordonnait le contrat à conclure.

A titre d’illustrations, ne sont pas considérées comme des ruptures abusives de pourparlers :

  • Rupture à un stade même avancé mais compte tenu d’un motif légitime, l’auteur de la rupture ayant fait des propositions non excessives qui ont été refusées, et laissé un délai de préavis raisonnable (Cass. Com., 9 mars 1999, n° 96-16559 bull. civ. IV, n° 54 ; R p.357 ; D. Affaires 1999. 757, obs. X.D.) ;
  • L’auteur de la rupture ayant demandé à plusieurs reprises des explications sur la situation économique de son partenaire (Cass. Com. 20 novembre 2007  n° 06-17289 : RTD civ. 2008. 101, obs. Fages) ;
  • L’absence de fixation du prix, de preuve de la durée, de l’intensité des pourparlers et de relations antérieures entre les parties ne permet de qualifier la rupture abusive des pourparlers (Cass. com., 20 juin 2000, n° 96-16.497) ;
  • Lorsque la rupture a été immédiatement et loyalement signifiée ; l’accord de négociation n’emporte pas l’obligation pour l’une ou l’autre des parties de mener les pourparlers à leur terme ; les parties avaient pris le risque de ne pas voir aboutir les discussions et devait l’assumer (CA Paris, 18 janvier 1996, DA 1996.292) ;
  • Lorsque la rupture est intervenue immédiatement après un grave incident au cours de la négociation, à savoir le fait que le candidat à l’acquisition et son conseil ont, à tort, accusé leur partenaire de présenter de faux documents comptables, s’agissant d’une accusation proférée, au surplus, publiquement en présence de plusieurs témoins, sur un ton acerbe (CA Orléans, Ch. com. 19 octobre 2000, JCP 2001.IV.2003) ;
  • Le rejet par une partie, engagée dans des négociations en vue de la cession des actions qu’elle détenait dans une société, la veille d’une réunion destinée à finaliser le projet de cession, dès lors que les négociations avaient été de faible durée (sept mois) par rapport à l’importance de l’opération envisagée (environ plus de 9 millions d’euros) (CA Rouen, 2ème Ch. 5 septembre 2002, n° 00-359, RJDA 4/03 n° 351) ;
  • La rupture de pourparlers dans le cadre d’un projet de contrat de prestation de services ne revêt un caractère abusif, et n’est donc susceptible d’entraîner la réparation des dommages qu’elle a causés, que pour autant qu’elle intervient sans raison légitime et brutalement alors que le partenaire avait été volontairement maintenu dans la croyance d’une signature définitive du contrat (Cour d’appel, Paris, Pôle 2, chambre 2, 12 Décembre 2014 – n° 13/12948) ;
  • Lorsqu’un manque de confiance apparait progressivement entre les parties et en cas de manque de réactivité de l’autre contractante. S’agissant de pourparlers de courte durée, ce motif est suffisant et la rupture n’apparaît pas fautive (Tribunal de commerce, Paris, 8e chambre, 2 Octobre 2012 – n° 2011059166) ;
  • une rupture des pourparlers n’est ni brutale ni déloyale lorsque le déroulement de ces derniers montre que leur durée a été inférieure à quatre mois, que deux réunions seulement ont eu lieu, que les propositions successives transmises par le prestataire de services n’ont pas nécessité d’études personnalisées approfondies pour une société rompue à l’organisation d’événements et que les échanges de courriels ne présentent aucun caractère exceptionnel et sont inhérents à la négociation entreprise pour tenter d’obtenir le contrat (Cour d’appel, Versailles, 13e chambre, 11 Septembre 2014 – n° 12/08561) ;
  • Ayant relevé que les relations s’étaient tendues à l’occasion de l’envoi le 5 septembre 2008 par le notaire de l’acquéreur d’un courrier qui s’achevait par une référence implicite à l’éventuelle exécution forcée de l’acte du 17 juillet 2008 et souverainement retenu qu’aucun élément ne permettait de considérer que la rupture des négociations était imputable aux vendeurs et qu’aucune faute ne pouvait leur être reprochée, la cour d’appel, qui a pu déduire de ces seuls motifs que la demande de dommages-intérêts pour rupture abusive des pourparlers devait être rejetée (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 octobre 2014, 10-24.834, Inédit).

Sur les préjudices réparables

La chambre commerciale a précisé que la faute commise dans la rupture des pourparlers n’est pas la cause du préjudice consistant dans la perte d’une chance de réaliser les gains escomptés du contrat à conclure ( Cass. com., 18 sept. 2012, n° 11-19.629 JurisData nº 2012-020867 ;JCP G 2012, doctr. 1151 , note G. Loiseau ; D. 2012, p. 2241, obs. X. Delpech ; RTDCiv 2012, p. 721 note B. Fages ; RDC 2013, n° 1 p. 98 note O. Deshayes).

A défaut d’accord ferme et définitif, le préjudice subi par la victime de la rupture n’inclue « que les frais occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder et non les gains qu’elle pouvait, en cas de conclusion du contrat, espérer tirer de ce contrat ni même la perte d’une chance d’obtenir ces gains » (Cass. com., 26 nov. 2003, n° 00-10.243, n° 00-10.949  : JurisData n° 2003-021243  ; Bull. civ. 2003, IV, n° 186  ; D. 2004, p. 869, note A.-S. Dupré-Dallemagne ; RTD civ. 2004, p. 80, obs. J. Mestre et B. Fagès).

Par conséquent, l’identification du dommage causé  par la faute est nécessaire à la détermination du montant de la réparation due à la victime.

Sur la faute du partenaire à l’origine du vice du consentement

La faute peut aussi résulter du comportement de celui qui est à l’origine du vice du consentement de son partenaire.

La victime d’une erreur, de manœuvres dolosives ou d’un manquement à une obligation précontractuelle d’information peut donc demander réparation de son dommage sur le fondement de l’article 1382 du Code civil (Cass. 1re civ., 4 févr. 1975, n° 72-13.217  : JCP G 1975, II, 18100 , note Ch. Larroumet ; Bull. civ. 1975, I, n° 43  ; RTD civ. 1975, p. 537 , obs. G. Durry. – Cass. com., 15 janv. 2002, n° 99-18.774  :JurisData n° 2002-012533  ; JCP G 2002, II, 10136 , note A. Cermolacce ; Bull. IV, n° 11  ; D. 2002, p. 2045, obs. Brémond ; Defrénois 2002, p. 1536 , obs. J. Honorat ; RTD civ. 2002, p. 265 , obs. J. Mestre et B. Fages. – Cass. 1re civ., 15 mars 2005, n° 01-13.018  : JurisData n° 2005-027571  ; Resp. civ. et assur. 2005, comm. 144  ; Bull. civ. 2005, I, n° 136  ; D. 2005, p. 1462, note A. Cathiard. – Cass. com., 31 janv. 2012, n° 11-10.834  : JurisData n° 2012-001460  ; Resp. civ. et assur. 2012, comm. 95 ).